Le tissage des filets : des mains expertes au service de la pêche

À Mbao, le tissage des filets de pêche est bien plus qu’un simple métier : c’est une tradition séculaire qui soutient l’économie locale et façonne l’identité des communautés côtières. Dans les ateliers improvisés, des mains expertes s’activent pour créer ces outils indispensables à la pêche artisanale. Mais face à la modernisation, au coût élevé des matériaux et aux défis environnementaux, cet artisanat est aujourd’hui menacé. Plongée dans un univers où chaque nœud tissé raconte une histoire, entre transmission, résilience et survie.


Un art entre terre et mer

Sous l’ombre des cocotiers de Mbao, les gestes ancestraux se perpétuent. Ici, le tissage des filets de pêche n’est pas qu’un travail : c’est une chorégraphie précise, un art que le temps n’a pas réussi à effacer. Ces filets, essentiels à la pêche artisanale, ne sont pas de simples outils, mais les fruits d’un savoir-faire transmis de génération en génération. Entre murmures du vent marin et cliquetis des aiguilles en bois, un héritage se tisse, inlassablement, pour relier la mer à la terre.

C’est dans un atelier improvisé, à quelques mètres de la plage, que l’on rencontre Malick, un artisan filetier expérimenté. Assis en tailleur sur le sol, ses mains courent avec agilité sur les mailles d’un filet en construction. « Chaque nœud compte. S’il y a une erreur, tout le filet peut être inutilisable », explique-t-il en ajustant une aiguille de bois taillée à la main.

Malick Ndoye montre les matériaux qu’il utilise : des fibres de nylon robustes mais flexibles, adaptées à la mer agitée de la côte sénégalaise. À ses côtés, Adama Ndoye, un jeune apprenti, s’initie à cet art. « Je veux apprendre, car c’est un métier noble. Sans les filets, il n’y a pas de pêche », dit-il avec fierté.

Le duo illustre à merveille la transmission intergénérationnelle : tandis que Malick assure la précision des techniques traditionnelles, Adama représente l’avenir, un espoir pour que ce savoir-faire ne disparaisse pas. À chaque type de pêche son filet. Malick déroule un filet fin, qu’il nomme « ndaré ». « Celui-ci est utilisé pour les petits poissons comme les sardinelles. Mais pour les espèces plus grandes, comme le thiof, il faut des mailles plus larges et renforcées », explique-t-il en désignant un autre filet, plus épais.

Ces filets, véritables œuvres d’ingénierie artisanale, sont conçus pour respecter la saisonnalité des espèces et les conditions de pêche. Pourtant, la modernisation des techniques met ce savoir-faire en péril, les filets industriels gagnant peu à peu du terrain.

Une économie liée à la mer

Pour les pêcheurs de Mbao, les filets sont bien plus que des outils. Ils sont le pilier de leur subsistance. Ousmane Seck, pêcheur et chef de famille, décrit leur importance dans son quotidien : « Chaque filet représente un investissement. Un filet de qualité coûte entre 25 000 et 50 000 francs CFA. S’il est endommagé, c’est tout un mois de revenus qui part en fumée. ».

Sur le marché, Fatou Thiaw, une marchande de poisson, témoigne également de l’impact direct de la pêche sur son activité. « Quand les pêcheurs rapportent de bonnes prises, c’est tout le marché qui s’anime. Mais quand les filets sont abîmés ou qu’il y a peu de poissons, les revenus chutent pour tout le monde. »

Ainsi, le tissage des filets est une chaîne qui soutient toute une économie locale, depuis les ateliers jusqu’aux étals des marchés.

Mais cette tradition n’est pas sans ses défis. Le coût élevé des matériaux de qualité est un frein pour beaucoup. Certains pêcheurs optent pour des filets moins chers, souvent interdits car non conformes aux réglementations environnementales. De plus, l’usure rapide des filets impose des réparations fréquentes, ajoutant un coût supplémentaire pour les pêcheurs déjà en difficulté.

Dans un coin de l’atelier, Adama tisse avec une concentration intense, sous l’œil attentif de Malick. « C’est un métier qui demande de la patience, mais je suis fier de continuer ce que mon grand-père faisait avant moi », dit-il. Pourtant, il est conscient des défis : « Beaucoup de jeunes préfèrent partir en ville ou chercher d’autres métiers. »

L’art du tissage, un lien fragile à préserver

À Mbao, chaque nœud, chaque maille tissée à la main, raconte une histoire : celle de la mer, des hommes, et de leur lutte pour préserver un équilibre fragile entre tradition et modernité.

Tandis que le soleil décline sur la plage, Malick et Adama continuent leur travail, portés par un savoir-faire qui, malgré les défis, résiste aux vagues du temps. Mais pour combien de temps encore ? Ce tissage, au-delà d’un métier, est un lien vital entre la mer et ceux qui en dépendent, un héritage qu’il appartient à tous de préserver.



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