Le féminisme africain d'hier à aujourd’hui : revisitons l'histoire d'un combat par la voix des femmes.
Beaucoup de femmes dans l’histoire africaine se sont battus pour que la place des femmes soit reconnue et elles sont battues pour faire avancer leur statut. Mais, le féminisme est un concept qui est naît à un moment précis et qui a une histoire précise.
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De grandes dames bien habillées, visiblement lors d'une cénacle. |
Contrairement à la croyance répandue dans certains milieux selon laquelle le féminisme n’existe pas en Afrique, l’histoire de l’émancipation des femmes et de la lutte pour l’égalité a démarré dès l’époque précoloniale. Des sociétés matriarcales ont laissé des traces avant la traite négrière et le colonialisme. À l’époque, certaines de ces sociétés proposaient des schémas dans lesquels les rôles attribués aux femmes et aux hommes fluctuaient. Mais avec le temps et la mondialisation, ces dernières ont fini par périr face à la rigidité de la colonisation et d’un concept très spécifique et restrictif de la manière dont les hommes et les femmes devaient se comporter les uns envers les autres.
●Les féministes ‘’d’avant l’heure’’, la vague pré-féministe (Proto-féminisme).
Le point de convergence des luttes des féministes c’est la lutte contre le patriarcat et les inégalités de genre. À la différence des féministes occidentales, les féministes africains ont un legs commun qui est celui de la colonialité, celle qu’elles ont hérité des religions monothéistes, elles ont aussi hérité du patriarcat indigène. Un triple legs qui orienté et alimente leur lutte. Le rapport qu’on a une société qui peut être patriarcale où matriarcale, les rapports de pouvoir, les rapports aux hommes, les rapports à la séduction, ça se passe de façon différente à l’échelle d’un continent. Contrairement à l’idée répandue selon laquelle le féminisme n’existe pas en Afrique, l’histoire de l’émancipation et de la lutte des femmes africaines pour l’égalité a commencé dès l’époque précoloniale. Le féminisme est aussi vieux que le continent africain. Les femmes se sont toujours défendues : elles ont cherché la liberté, l’autonomie. Il y a un moment où on ne pouvait pas l’appeler ‘’féminisme’’ en tant qu’outil politique mais il y a toujours eu un féminisme en Afrique.
L’Afrique a eu des reines mères, les sociétés matriarcales, matrilinéaires : des femmes qui n'étaient pas féministes. Le féminisme n’était pas encore un terme pratiqué et très en vogue. Dans les sociétés traditionnelles en Afrique, les femmes occupaient des postes de pouvoir. Mais l'arrivée des colons a marqué un coup d'arrêt à leur émancipation sur le continent. Le protoféminisme de la période pré-féministe était particulièrement vivant. Des femmes allant de l'Afrique de l'Est à l'Ouest, au Nord et au Sud se sont imposées dans ces résistances. Des femmes comme les Amazones du Dahomey dans le Bénin moderne qui ont construit la plus forte armée féminine connue de l'histoire, il y avait la politicienne angolaise, ‘’Reine Nzinga’’ comme on l'appelle populairement. La reine Nzinga a présidé l'Angola et le Zaïre grâce à son expertise militaire. C'était une adversaire redoutable qui était déterminée à détruire la traite des esclaves par les Portugais et leur armée qui étaient déterminés à asservir les Africains. Mais grâce à son expertise, les Portugais ont été retenus pendant plus de 40 ans.
Yaa Asantewa du Ghana était une dirigeante et l'une des puissantes guerrières de son peuple. Elle a défié, réprimandé et mené une résistance courageuse contre les Britanniques.
La place manque pour détailler de manière exhaustive les nombreux exemples de proto-féminisme africain, où encore on peut citer la Reine Amina (reine guerrière haoussa de Zazzau, l'actuelle région nord-ouest du Nigeria) etc. Ces femmes sont battues contre l’ordre colonial. Elles se sont imposées pour donner un nouvel dans la société. Au Sénégal, au 19 siècle, Ndatté Yalla Mbodji, femme forte refusa de se soumettre à la présence française et demeure une figure importante de la résistance à l’occupation de l’Afrique. Conformément à la tradition matriarcale africaine, se sont à Walo les femmes de sang royal dites ‘‘Linguères’’ qui portaient la légitimité du pouvoir c’est la ‘’Linguère’’ qui donnait au roi la permission d’exécuter. C’est la première qui a ouvert la confrontation avec le pouvoir colonial dans sa conquête du Sénégal. Mais au-delà de Ndatté Yalla, il y a eu toute une lignée de femmes qui ont d’abord été au pouvoir, qui ont participé au pouvoir qui parfois se sont sacrifiés à côté des hommes’’. Nous ne pouvons négliger le pouvoir politique de reines égyptiennes comme Cléopâtre, Néfertiti ou Hatchepsout, de la Nigériane Amina de Zaria, ou de la princesse burkinabée Yennenga.
●La vague pré-indépendante.
Se libérer du mâle.
Durant cette période, les femmes actives dans la lutte pour l’émancipation des femmes ne se décrivaient pas comme féministes, mais c’était une époque durant laquelle les femmes s’organisaient dans l’esprit du féminisme africain, résistant aux multiples oppressions. Comme ailleurs, les femmes africaines ont participé aux congrès internationaux des femmes qui se sont déroulés dans le monde entier au début du XXe siècle. Des femmes comme Adelaide Casely-Hayford et Constance Cummings John, toutes deux éducatrices de la Sierra Leone, la militante ghanéenne Mabel Dove Danquah, la militante sud-africaine pour la libération Charlotte Maxeke et la révolutionnaire nigériane Funmilayo Ransome-Kuti faisaient partie des femmes africaines qui ont contribué à l’arène féministe internationale en plein essor dans la première moitié des années 1900. Ransome-Kuti, par exemple, était, entre autres, la vice-présidente de la Fédération démocratique internationale des femmes (FDIF), fondée à Paris. Ces femmes n’étaient pas seulement des militantes internationalistes des droits des femmes, mais elles faisaient également partie de mouvements d’émancipation émergents tels que le panafricanisme et les luttes de libération des Noirs. Elles étaient des icônes culturelles, des militants de base et des militants pour la paix. Ells ont voyagé en Amérique, en Angleterre, en Suisse, en Amérique, en Chine, où elles ont parlé de la venue d’un ‘’jour nouveau, dans lequel l’Afrique aura une chance de s’étendre et de se développer, selon ses propres idées et idéaux, en greffant de la civilisation occidentale uniquement ce qui est nécessaire à son développement et à ses progrès sur des lignes à jour’’. Dans les années 1920, les femmes du Nigéria oriental ont formé un mouvement appelé ‘’Nwaobiala’’ contre la collusion des dirigeants patriarcaux locaux et étrangers dans l’avancement du colonialisme. La même décennie où la Bantu Women League d’Afrique du Sud a été fondée.
●Nwaobiala : appelé l'émeute Aba, a vu les femmes rejeter avec force les valeurs coloniales, culminant en 1929 dans ce que l'on appelle la « Guerre des femmes », où 10 000 femmes ont participé et des dizaines ont perdu la vie en ripostant contre une chute. dans l'autorité féminine.
●Constance Cummings John : était politicienne, enseignante et militante pour les droits des femmes africaines. Elle est devenue la première femme africaine à devenir maire d'une grande ville africaine, Freetown, en Sierra Leone.
●Adelaide Casely-Hayford : née Smith le 27 juin 1868, morte le 16 janvier 1960, a été une enseignante, une femme de lettres et une féministe sierraléonaises. Elle a créé une école pour les filles en 1923, et s'est consacrée à réveiller une fierté culturelle nationale malgré la domination britannique. Casely Hayford est restée directrice de la Girl's Vocational School jusqu'à sa retraite en 1940. Le 24 janvier 1960, Casely Hayford est décédée dans sa ville natale de Freetown, en Sierra Leone. On se souviendra d'elle à travers des mémoires et des lettres comme une mère, une éducatrice, une voyageuse du monde, une auteure et une patriote africaine.
●Les féministes de la ‘’première heure’’.
Les femmes africaines n’ont pas attendu l’occident. Elles se sont toujours défendues. Les mouvements de libération des femmes qui ont commencé dans les années 1970 étaient, dans de nombreux pays, ambivalents quant à la représentation politique formelle. Les premières tendances féministes émergent au Sénégal avec un mouvement tel que celui dénommé Yeewu Yeewi, porté par des figures de proues telles que Marie Angélique Savané, Awa Sarr, et/ou encore Fatou Sow : l’autonomisation de la femme sénégalaise en cette période postindépendance était au centre des préoccupations. En 1974, une revue nommée ‘’Famille et développement’’ lancée par Marie-Angelique Savané eu un impact extraordinaire. ‘’Famille et développement’’ était connu dans toute l’Afrique francophone parce que concrètement ça a permis de lutter contre l’excision. Les principes du féminisme sont universels sur le plan théorique toutes les sociétés patriarcales ont été subjuguées par la domination de l’homme sur la femme mais la manière dont on réagit par rapport à la domination dépend des cultures.
L’un des premiers exemples de discours féministe explicitement africain par une femme noire africaine est le texte fondateur, et à ce jour parmi les plus radicaux du féminisme africain, Black Sisters, Speak Out, (la parole aux négresses) d’Awa Thiam. Dans les années 1980, il y avait un groupe important et suffisamment solide de femmes s’identifiant comme « féministes africaines ». C’est à ce stade que l'on peut véritablement identifier le « 1er essor du féminisme africain », inspiré par plusieurs facteurs. L’un des principaux étant les événements commémoratifs tels que la décennie historique des Nations Unies pour les femmes 1975 – 1985, et la Conférence mondiale sur les femmes qui a suivi à Nairobi en 1985, qui a abouti à la formation de coalitions, a augmenté (s’il est insuffisant) financement de l’activisme féministe et de l’érudition à travers le continent et la diaspora. Un autre facteur a été la croissance des études féministes dans les universités en Afrique, et d’ailleurs dans le monde. (Le premier programme d’études féminines aux États-Unis a été créé en 1970, pour donner un exemple.) À cette période, la revue féministe Agenda, lancée en Afrique du Sud, l’Association des femmes africaines pour la recherche et le développement (AAWORD) a été lancée au Sénégal et le Centre d’études sur le genre et les politiques sociales (CGSPS) a été créé à l’Université au Nigéria.
●Association des femmes africaines pour la recherche et le développement (AAWORD) :
AFARD / AFARD est un non-organisation de décisions gouvernementales et sans but lucratif continental basé à Dakar. Il a été créé en Décembre 1977 à Dakar par les femmes chercheurs et activistes africains entraînés par leur passion pour décoloniser la recherche africaine de l'analyse subjective de l'Ouest, qui ne reflétait pas l'état et de l'engagement des femmes dans le processus de développement du continent.
●La dernière vague, le féminisme africain actuel.
Les mouvements féministes africains se sont, au fil des âges, développés parallèlement au féminisme occidental et se sont souvent disputés l’espace afin de s’imposer aux termes des femmes africaines et en réponse aux besoins des Africains. Là où les anciennes générations de féministes s’étaient méfiées de l’étiquette de « féminisme », la jeune génération afropolitaine montre moins d’ambivalence envers l’adoption d’une cause explicitement féministe.
Aujourd’hui, le féminisme africain se réinvente, en prenant ses distances avec le féminisme occidental. L’appel de Chimamanda Adichie selon lequel « Nous devrions tous être féministes » illustre l’attitude d’une nouvelle génération de féministes en Afrique et pour l’Afrique. La nouvelle vague a mis l’accent sur la lutte contre les inégalités sexuelles et de genre du point de vue des relations de pouvoir, en articulant une philosophie et une politique qui non seulement plaident pour une égalité réelle entre les hommes et les femmes, mais remettent également en question l’hétéronormativité de l’État postcolonial.
Des militantes et des universitaires telles qu'Amina Mama, Patricia McFadden, Fatou Sow, Cheryl Johnson Odim, Theo Sowa, Sylvia Tamale, Desiree Lewis et bien d'autres qui ont jeté les bases d'une politique clairement féministe dans un milieu africain. Pourtant, parmi eux se trouvaient aussi des façonneurs critiques du féminisme africain qui hésitaient sur le terme de féminisme par exemple.
Internet a permis aux féministes africaines de contourner les barrières et les contraintes traditionnelles qui les empêchaient de défendre leur cause. Elles peuvent utiliser les nouvelles technologies pour lutter contre le sexisme et les traditions répressives ; elles peuvent documenter leurs histoires et se connecter les uns aux autres ; et elles peuvent utiliser les outils d'Internet et de la technologie pour la campagne, lancer des pétitions, créer des blogs et des applications et s'autonomiser mutuellement pour favoriser le changement.
Le changement est visible pour les femmes rurales. Si leur vie est entièrement consacrée à produire et à procréer, de nombreuses organisations se battent pour améliorer leur statut. Au fur et à mesure de son développement, le féminisme africain a connu la première de plusieurs scissions. Le féminisme africain a commencé à se diviser et/ou étudier sous plusieurs angles notamment avec l'écoféminisme, le féminisme Islamique culturalisé etc. Mais restons lucides, féminisme et émancipation sont des mots qui ne se murmurent qu'en Afrique. Le féminisme semble fragile sur ce continent, même si certains domaines ont plus avancé que d'autres sur la question. À cet égard, les objectifs des féministes doivent rester réalistes et mesurés pour être atteints. C'est d'ailleurs ce qu'a laissé entendre Sira Diop, présidente de l'Union nationale des femmes du Mali, lorsqu'elle a déclaré : « Nous ne revendiquons même pas l'égalité des droits avec les hommes. On veut juste plus de droits et un peu de temps libre ».
Quelques notions.
●Intersectionnalité : est en sociologie une notion de réflexion politique développée par une universitaire américaine (Kimberlé Crenshaw) pour évoquer la situation des personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification.
●L’hétéronormativité : peut se traduire par le déni de l'existence des homosexuels ou par un point de vue favorable envers les personnes hétérosexuelles. C'est un phénomène social qui contribue à l'invisibilisation des homosexuels et de leur réalité, que ce soit fait de manière consciente ou non. Par exemple, une société hétéronormative établirait comme norme que toutes les familles sont constituées de parents hétérosexuels, donc systématiquement constituées d'un homme et d'une femme qui ne sont pas homosexuels.
●Le féminisme écologique ou « écoféminisme » considère l'inégalité entre les sexes comme la cause profonde de la crise climatique actuelle. La philosophie établit des liens importants entre le traitement des femmes, des personnes de couleur et des communautés marginalisées d'une part, et la terre d'autre part.
Certaines informations ont été recoupées via à plusieurs médias.
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