Les lendemains de la Tabaski à Dakar, échos d’une capitale en pause
La veille, le jour et le lendemain de la Tabaski sont des moments uniques pour Dakar. La capitale sénégalaise, d’ordinaire en effervescence, s'offre une parenthèse de tranquillité. Les quartiers se vident, les balcons observent, et l’avenir attend son retour.
Le lendemain de la Tabaski
dévoile une Dakar apaisée. Une capitale qui s'éveille ‘’doucement’’ dans le
calme d'une fête achevée. Dakar, après la Tabaski, n'est plus seulement un carrefour
d'activités mais devient un espace de contemplation. La ville semble avoir
troqué son effervescence contre une pause réfléchie. Presque tout le monde est
allé à ses racines, précisément dans les autres régions du Sénégal. En effet, des
myriades de Sénégalais s’échappent de la frénésie des cités pour se ressourcer
dans le berceau familial. Ce pèlerinage vers les origines, vers ces villages
témoins de leurs premiers pas, contraste avec l’effervescence des métropoles où
ils ont cherché à s’épanouir. La Tabaski devient ainsi un miroir fidèle des
dynamiques sociales et sociologiques. Les quartiers bouillonnants se vidangent,
laissant place à des hameaux délaissés.
Rufisque s’éveille sous
nos yeux, un tableau vivant d’hier et d’aujourd’hui. Les ombres des arcades
historiques se mêlent aux lignes épurées des nouveaux édifices. L’arrêt Sonadis
est le point de départ d'une Rufisque transformée. Les rues, jadis animées
habituellement par le va-et-vient des habitants, résonnent d'un silence
inhabituel. Comme si le fisc avait prélevé sa part, non pas en monnaie, mais en
âmes. Les cœurs de la ville s'en sont allés célébrer au loin, laissant derrière
eux des échos vides. Les balcons témoins silencieux de l'effervescence
quotidienne, observent maintenant le calme des rues où les pas des rares
passants semblent être une symphonie distante.
Rufisque s'efface dans le
rétroviseur, quelques minutes s'écoulent. Keur Mbaye Fall se dévoile, une
résonance de tranquillité avec ses propres nuances. L’on peut presque entendre
le soupir de la terre elle-même, profitant d’un moment de repos. Tandis que ce
calme enveloppe Keur Mbaye Fall, l'autoroute à péage, un ruban désert qui
s'étend à perte de vue, offre une perspective différente. Le bruit lancinant
des moteurs a cédé sa place à un calme presque irréel, on pourrait désormais
s'aventurer à pied sans craindre l'agitation routière, s’y allonger,
contemplant les nuages dériver sans la moindre interruption de klaxons. La
circulation est quasi inexistante même à hauteur de l’école Mariama Niasse et
sur l’autopont de Camberene. L’autoroute invite à méditer sur la beauté
éphémère de l'instant présent.
Après ce trajet serein, Colobane
s'éveille dans une quiétude inhabituelle. Le marché, un dédale où les couleurs,
les odeurs et les sons se disputés chaque parcelle d’espace sont maintenant des
couloirs de silence. Plus de vacarme ! Quelques rares passants arpentent
le marché. Les boutiques et cantines ‘’mélancoliques’’ semblent attendre le retour
de la vie. Les rires et les cris des marchands ont cédé la place au murmure du
vent qui traverse les allées vides. Colobane, le carrefour commerçant est figé
dans l’attente d’être à nouveau animée par le ballet des acheteurs et la
symphonie des négociations.
Les
pavillons Amsa arborent des façades nouvelles, vitrées et brillantes
L'avenue Cheikh Anta Diop
qui raconte l'absence des étudiants et de ses professeurs, est plongée dans un
silence studieux en ce mercredi matin, surlendemain de la Tabaski. En temps
normal, cette artère principale est un fourmillement constant de vie :
étudiants se précipitant vers leurs cours, pressés. Aujourd'hui, cependant,
cette allée se trouve déserte. Au campus social, les bancs en pierre, disposés
à intervalles réguliers, sont inoccupés. Aucune discussion animée, aucune
musique ne vient troubler le silence pesant des lieux. Les nouveaux pavillons
Amsa arborent des façades nouvelles, vitrées et brillantes. Les autres pavillons
(plus anciens), ou les fenêtres, d'ordinaire encadrées de rideaux colorés, t-shirts,
autres effets personnels, accrochés pour sécher, sont fermés et dépourvus de
toute décoration. A l’université, le calme s’impose.
Loin de la quiétude du
campus social de l’université, le centre-ville de Dakar attend avec un brin
impatience le retour de ces habitants. De Dakar plateau à la banlieue
dakaroise, en passant par Médina, Grand-Dakar, Grand-Yoff, Patte d’Oie, la
capitale sénégalaise est sevrée de sa dynamique sociodémographique et par
ricochet sa vitalité économique.
Le marché Sandaga est
marqué par une certaine torpeur. Chose rare, Sandaga a perdu de son affluence.
Les étals des vendeurs sont moins fréquentés et beaucoup ont fermé boutiques.
Un peu comme un dimanche. Les appels des marchands, les négociations animées et
le bourdonnement constant des acheteurs semblent atténués, laissant place à une
atmosphère plus calme. En s'enfonçant plus profondément dans le cœur de Dakar,
le quartier du Plateau révèle ses rues pavées et ses bâtiments. Habituellement,
cet endroit est le centre névralgique de la capitale, grouillant de
fonctionnaires, d'hommes d'affaires et de touristes. Aujourd'hui, cependant,
les avenues sont dégagées, les trottoirs presque déserts. Les cafés et
restaurants qui bordent les rues, affichent des tables vides et des terrasses
désertées. Les bureaux gouvernementaux, habituellement assiégés par des foules
de citoyens, sont tranquilles, leurs halls d'entrée résonnant du silence.
Les
immeubles résidentiels et commerciaux, avec leurs façades et leurs enseignes,
semblent figés dans le temps
Jeudi, 17 heures. À
Grand-Yoff et Patte d’Oie, les rues d'ordinaire animés par des activités
sportives, sont plus calmes. Les terrains de football, les terrains de
basketball et les places publiques semblent en attente de retrouver l'énergie
de leurs habitués. La rue Avenue du Roi Fahd Ben Abdel Aziz, avec ses deux
voies, un axe central grouillant de vie, connaît une accalmie inhabituelle. Les
véhicules y sont rares, et les piétons se font encore discrets, laissant la
voie principale dégagée. En continuant le long de cette avenue, l’absence de la
circulation habituelle permet d’apprécier pleinement les détails de
l’architecture environnante. Les immeubles résidentiels et commerciaux, avec
leurs façades et leurs enseignes, semblent figés dans le temps. Les boutiques,
souvent animées par des vendeurs et des clients, ont baissé leurs rideaux,
ajoutant à l’atmosphère de tranquillité. Vers l’hôpital Idrissa Pouye, les
petites échoppes, les salons de coiffure et les restaurants fonctionnent à une
capacité réduite.
Dans cette atmosphère de
pause généralisée, Dakar semble respirer, profitant d'un moment de répit. La
capitale se repose et se recentre, offrant un visage apaisé et contemplatif.
Mais sous cette surface tranquille, l'énergie de la ville est prête à jaillir à
nouveau, à renaître avec l'agitation de la vie quotidienne. Chaque quartier,
chaque rue, chaque marché attend le retour de son effervescence habituelle.
Bientôt, les sons de la vie quotidienne reviendront remplir l'air, et Dakar
retrouvera toute sa vitalité et sa splendeur.
Modou
Ndiaye
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