Le tribunal des écrans : La tragédie d’Aziz Dabalaa et la folie des détectives numériques
PikineTechnopole, un quartier ordinairement animé par les sons de la vie quotidienne, est aujourd’hui plongé dans le silence. Abdoul Aziz Ba, plus connu sous le nom d’Aziz Dabala, a dansé son dernier pas. Le corps gracieux de ce danseur repose désormais, figé dans une dernière chorégraphie macabre. Dans un appartement devenu théâtre de l’horreur, il a été fauché, laissant derrière lui un vide immense dans le cœur de ceux qui l’admiraient.
Waly et Aziz Dabala
Mais
alors que le Sénégal pleure cette perte, un autre spectacle se joue, cette fois
sur les réseaux sociaux. Là, où chaque utilisateur se transforme en Pierre
Bellemare, en Hercule Poirot, en Sherlock Holmes, ou encore en Inspecteur
Derrick, décryptant des indices imaginaires, forgeant des théories farfelues,
et condamnant à tout-va. L’enquête populaire est lancée, mais à quel prix ?
À
l’instar des grands détectives de fiction, les internautes sénégalais ont
enfilé leurs manteaux d’enquêteurs, scrutant chaque détail avec une obsession
presque maladive. Dès l’annonce du meurtre, les réseaux sociaux ont été pris
d’assaut, non pas par la compassion, mais par une véritable chasse à la vérité.
Comme dans la série sénégalaise "Impact", où le dossier d’Étienne
Diatta avait capturé l’attention de tous, chacun s’empresse de deviner,
d’anticiper, de dénicher des indices qui pourraient révéler le coupable. Mais
cette fois, ce n’est pas un feuilleton télévisé. C’est la vie réelle, et les
conséquences sont bien plus lourdes.
À
mesure que la viralité des réseaux sociaux s’intensifie, la réalité se distord.
Les faits sont noyés dans un flot de spéculations, les rumeurs deviennent des
vérités absolues. Les internautes ne peuvent s’empêcher de remplir les vides
d’informations avec leurs propres conclusions, souvent erronées.
Internet,
ce tribunal populaire ne laisse aucune place au doute. Comme dans une mauvaise
imitation de Sherlock Holmes en pyjama ou d’Hercule Poirot, les internautes se proclament
juges et jurés, condamnant sur la base de suppositions et d’interprétations
hasardeuses. Mais ce tribunal digital n’a ni la rigueur méthodologique de
Poirot, ni la perspicacité de Holmes.
Les
véritables enquêteurs, eux, avancent prudemment, scrutant les indices
tangibles, loin des clameurs des réseaux. Mais combien d’innocents risquent de
voir leur réputation détruite avant que la vérité n’émerge ? Le danger est bien
réel, et l’on est loin des intrigues maîtrisées des séries télévisées.
Le
meurtre d’Aziz Dabalaa est une tragédie nationale, mais la réaction des réseaux
sociaux révèle une autre facette inquiétante de notre société. Ce n’est pas un
épisode d’"Impact" que l’on peut rejouer à l’infini, mais la vie
réelle, où chaque mot, chaque accusation, peut briser une vie. Soyons
responsables, et laissons les véritables détectives, ceux qui opèrent dans
l’ombre des preuves tangibles, faire leur travail.
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